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Les Contes d'ETK Onilatki
2 avril 2008

Un conte espagnol

Il était une fois deux frères qui vivaient dans un coin isolé du reste du monde, au milieu de montagnes arides. Ils étaient nés le soir de l’orage qui avait emporté un pan de la montagne, au moment même, disait-on, où la foudre avait frappé. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, et on les confondait souvent.

Un jour, Leandro alla chercher de l’eau à la rivière. Sur le chemin du retour, il croisa une vieille mendiante.

« Donne-moi un peu de ton eau, dit la mendiante.

– Non, j’en ai besoin. Mais la rivière est tout près. Tu n’as qu’à y aller.

– Je suis bien vieille, je ne peux pas me pencher, car je risquerais de tomber.

– Je n’ai pas le temps, s’emporta le jeune homme. »

Et, bousculant la vieille femme, il poursuivit son chemin. Mais l’eau devenait difficile à porter. Le sol se rapprochait, les vêtements tenaient de plus en plus chauds, et les chaussures faisaient mal au pied. Il avait tellement chaud qu’il retourna à la rivière. La mendiante était partie. Il se pencha au-dessus de l’eau, et se releva aussitôt avec effroi. Ses traits changeaient à vue d’œil, son corps se couvrait de poils, ses vêtements et ses chaussures disparurent, ses mains et ses pieds devenaient des sabots, et soudain il poussa un mugissement : il était devenu un taureau… Que faire ? Il n’osa pas rentrer chez lui, et s’enfuit dans la nature.

Estebán, inquiet de ne pas voir revenir son frère, décida de partir à sa rencontre. Il arriva près de la rivière, vit les cruches renversées, et son inquiétude augmenta. Il appela, appela, mais aucune réponse. Il ramassa les cruches et les remplit, puis repartit chez lui, se disant que Leandro était peut-être rentré par un autre chemin…

Sur la route, il rencontra la mendiante.

« Donne-moi un peu de ton eau, dit-elle.

– Bien sûr, tu dois avoir soif, répondit Estebán. »

La vieille femme eut à peine porté l’eau à ses lèvres qu’elle se métamorphosa en une très belle jeune fille aux yeux flamboyants.

« Merci de ton aide, dit-elle. Je suis Almudena la sorcière. Si je n’avais pas bu à temps, je serais toute desséchée à l’heure qu’il est. Pour te récompenser, je te donne cette épée. Elle contient trois souhaits. Tu n’as qu’à bien penser à quelque chose dans ta tête, et frapper le sol avec cette épée. Mais fais bien attention, car même si tu penses très vaguement à quelque chose et que ton épée frôle le sol, ce sera considéré comme un souhait.

– Merci, dit Estebán en prenant l’épée. Mais n’aurais-tu pas vu mon frère ? Je ne l’ai pas vu rentrer, les cruches étaient renversées, et je suis inquiet.

– Si, je l’ai vu, mais il n’est plus là. Il s’est enfui par delà les montagnes. Tu devras le chercher loin, plus loin que tu ne peux l’imaginer aujourd’hui.

– Mais pourquoi est-il parti ?

– La peur, certainement… Mais va, pars à sa recherche si tu y tiens… »

La sorcière disparut, et le jeune homme, abasourdi, rentra chez lui, rassembla des vivres et quelques affaires, enveloppa l’épée de manière à la tenir à portée de main mais éloignée du sol, et se mit en route.

 

De son côté, Leandro, essoufflé, s’arrêta un instant pour se reposer. Mal lui en prit, car un comte et sa suite qui passaient par là le captura. Leandro eut beau se débattre de toutes ses forces, il ne put tenir très longtemps face au nombre de ses assaillants. « Un magnifique taureau ! » s’exclama le comte. « Je vais l’entraîner pour une grande occasion. » Et Leandro fut emporté et enfermé chez le comte.

 

Quelques jours plus tard, Estebán arriva à un carrefour. Quel chemin prendre ? Des cavaliers passaient par là.

« Où mènent ces chemins ? demanda-t-il.

– Place, jeune homme.

– Comment, place ?

– Le comte arrive, et il est pressé.

– Ça vous empêche de me répondre ?

– Quelle insolence ! Si tu ne t’en vas pas immédiatement, tu goutteras de nos épées ! »

Comme Estebán ne bougeait pas, les cavaliers sautèrent de leur monture, dégainèrent leur épée et l’encerclèrent. Estebán prit l’épée d’Almudena, et le combat commença. Le jeune homme se défendait bien, et les cavaliers n’étaient pas trop de quatre pour l’affronter. Cependant, l’avantage du nombre donna la victoire aux hommes du compte, et Estebán se retrouva rapidement ligoté.

Le comte avait assisté au combat, et la bravoure du jeune homme l’impressionnait.

« Tu te bats bien, jeune homme, dit-il. Quel est ton nom ?

– Estebán.

– Eh bien, Estebán, je ne peux pas te laisser partir ainsi, cependant je vais te récompenser de ta bravoure. Je te laisse la vie sauve, et je te rends ta liberté, mais à une seule condition : tu devras accomplir trois épreuves, qui montreront à tous ton courage. Tu vois cette pierre, tout en haut de la montagne ? Celle qui brille plus que les autres, même la nuit ? Apporte-la moi. »

Son épée lui fut rendue, et le jeune homme se mit en route. Il escaladait la montagne depuis une heure, et pensait très fort à cette fameuse pierre. Si seulement il l’avait là en main, tout de suite, sans avoir à faire tout ce chemin, sans compter le retour qui risquait d’être plus périlleux encore… Il ne vit pas la pointe de son épée effleurer un rocher, et la pierre lumineuse se retrouva l’instant d’après au creux de sa main. Zut ! Un souhait de gâché… Tant pis. Au moins, cette première épreuve aura été rapide. Plus vite il irait, plus vite il serait libre, plus vite il retrouverait son frère.

« Parfait ! s’exclama le comte. Et quelle rapidité ! Que puis-je te demander, maintenant ? Ah, ça y est : mon cheptel s’est dispersé ces derniers temps. Je voudrais que tu me le rassembles, et que tu délimites un pré d’où il sera impossible de s’échapper. »

Rassembler un cheptel… Jamais Estebán n’avait fait ça de sa vie ! Il ne savait comment s’y prendre. Utiliser l’épée ? Oui, mais ça ferait un souhait en moins… Quelle était la chose qu’il voulait le plus au monde ? Retrouver Leandro. Et ça passait par cette deuxième épreuve. Il ferait attention de ne pas utiliser le dernier souhait qu’il lui resterait après, pour l’utiliser au moment le plus opportun. Après un court moment de délibération, il décida d’utiliser le deuxième souhait. Au bout d’une heure, le cheptel du comte était parqué dans un immense pré délimité de hautes roches infranchissables pour qui marchait à quatre pattes.

« Formidable ! s’écria le comte. Ta dernière épreuve aura lieu ce soir. D’ici-là, viens donc manger, boire et te reposer.

Le soir tombait lorsque le comte alla trouver Estebán. Il le mena devant une lourde porte, en passant par de longs couloirs et patios.

« Lorsque tu entendras le signal, tu entreras, et tu refermeras la porte derrière toi. Tu déposeras ton épée, et tu te battras à main nue. Bonne chance.

Contre qui dois-je me battre ? »

Mais le comte ne répondit pas. Il était déjà parti. Estebán se creusait la tête : quel pouvait donc bien être son adversaire ?

Enfin, le signal retentit. Le jeune homme entra, referma la porte, et se retourna. Il était dans une vaste arène, éclairée par de multiples torches. De nombreux spectateurs contemplaient la scène, et parmi eux se tenait…

« Almudena ! » s’étonna Estebán.

Une autre porte s’ouvrit pour laisser passer un magnifique taureau, et se referma aussitôt après.

« Que le spectacle commence ! » lança joyeusement le comte.

Le taureau s’avança lentement. Estebán en fit autant. Puis le taureau gratta de son sabot le sable de l’arène, et s’élança sur le jeune homme, qui esquiva habilement. Le taureau revint à la charge, Estebán vit son regard triste. Ce taureau lui rappelait quelqu’un… La bête plongea ses yeux dans ceux du jeune homme : il connaissait ces yeux-là… Et enfin, Estebán reconnut l’anneau de l’oreille du taureau. « Leandro ! » murmura-t-il. Le taureau pleura. Estebán le serra dans ses bras, et courut vers son épée.

« Qu’Almudena te rende ta forme humaine !»

Il frappa le sol de son épée, et le taureau se métamorphosa. La sorcière se tenait maintenant auprès des deux frères. Elle s’adressa à Leandro.

« Leandro, tu as trouvé ton humanité sous une forme animale. Je t’accorde une force exceptionnelle, qui pourra te servir. Quant à toi, Estebán, tu as fait preuve de courage du début à la fin. Je te laisse cette épée, qui pourra t’être utile, même sans les souhaits. Et n’oubliez pas : si vous voulez un de mes conseils, il vous suffira de vous rendre à la rivière… »

 

Estebán et Leandro accomplirent nombre d’exploits, avec l’aide précieuse d’Almudena. Mais ça, c’est une autre histoire…

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