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Les Contes d'ETK Onilatki
6 mai 2008

Tsounliekhkla et les trois monstres.

Le territoire Koïlatch était devenu la proie de trois horribles monstres, qui ravageaient tout et détruisaient tout. Les Koïlatch avaient abandonné leurs villages et s’étaient réfugiés dans la Taïga. Mais les trois monstres, après avoir dévasté la Plaine et les Steppes, se tournaient maintenant vers la Forêt. Toutes les sorcières et tous les sorciers avaient essayer de les faire partir, mais sans succès, car même les sorts avaient peur d’eux et s’évaporaient sans les toucher. Les meilleurs guerriers et les meilleures guerrières avaient essayé de les combattre, mais la seule vue d’un des trois monstres leur avait glacé le sang dans les veines, et tous avaient fui sans les toucher. Tous les Koïlatch commençaient à désespérer. Tous ? Non. Seule une petite fille de dix ans, qui s’appelait Tsounliekhkla, et qui parlait sans arrêt, restait calme.

« Je sais comment faire partir les monstres.» dit Tsounliekhkla un jour où les chefs Koïlatch s’étaient réunis pour discuter de la situation. Tous se mirent à rire, mais Tsounliekhkla restait impassible : elle était très sérieuse.

« Je sais que je réussirai, laissez-moi essayer, on n’a plus rien à perdre, maintenant. »

Les autres continuaient à rire, en voyant la taille et la petite carrure de la fillette.

« Nos meilleurs guerriers et nos meilleurs sorciers ont échoué parce qu’ils avaient trop peur de ces monstres, » intervint le guerrier Tchimvokhkleï, considéré comme le plus courageux guerrier Koïlatch, « même la Lune et le Soleil semblent ne pas pouvoir les regarder sans frémir ; ce n’est certainement pas toi, un gamine toute fluette, qui va les faire partir. »

C’est alors qu’une très très vieille sorcière, la plus vieille et la plus sage des sorcières Koïlatch, Apiefkhkla, s’avança et prit la parole :

« Va, Tsounliekhkla, tout ce que tu rêves, tout ce que tu imagines, tout ce que tu racontes, tout cela nous sauvera. Pars maintenant, petite Tsounliekhkla, dépêche-toi. »

 

Tous respectaient ce que disait Apiefkhkla. Ils laissèrent donc partir Tsounliekhkla avec une lueur d’Espoir : si Apiefkhkla avait raison, ils seraient sauvés, et comme Apiefkhkla avait toujours raison …

Tsounliekhkla se mit donc en route. Prudemment, elle sortit de la Taïga, avec pour toute arme son rire, sa bonne humeur et sa parole. Bientôt, une énorme masse verte surgit devant elle. Tsounliekhkla resta calme. Elle était face à Kratavkyiesl, un des trois terribles monstres. Celui-ci, vert, griffu, au sourire cruel et dont la langue se terminait par sept crochets acérés, s’approchait, la gueule béante, de la petite fille. Il s’arrêta net, surpris, quand Tsounliekhkla lui demanda :

« Pourquoi tu fais tout ça ? Pourquoi tu t’amuses à tout détruire et à faire peur à tout le monde ? »

Kratavkyiesl, tout déconfit face à cette petite fille, ne sut que répondre. Personne avant Tsounliekhkla n’avait jamais osé lui adresser la parole.

« Qui es-tu ? reprit Tsounliekhkla.

Le monstre se ressaisit : cette petite fille n’était pas bien dangereuse, il n’en ferait qu’une bouchée. Cependant, admiratif devant le courage – ou la témérité- de Tsounliekhkla , il décidé de tout lui expliquer avant de la dévorer. Il prit une profonde respiration, et dit d’une voix forte.

«  Mon nom est Kratavkyiesl. Habituellement, je vis sous terre, mais là, j’ai décidé de faire surface : vous, les humains, vous faites n’importe quoi avec la terre : vous creusez, mais vous ne rebouchez pas ; vous prenez tout, et il ne reste rien. Si vous n’y prenez pas garde, vous n’aurez plus rien, et moi non plus. C’en est trop !

_ Mais pourquoi s’en prendre aux Koïlatch ? Nous ne faisons pas plus n’importe quoi que les autres.

_ Certes, mais le couloir qui mène du monde sous-terrain à l’air libre se trouve en plein milieu du territoire Koïlatch, et c’est donc par vous que j’ai décidé de commencer.

_ Et si tu m’expliquais ce qu’il faut faire pour ne pas faire n’importe quoi ? Ce serait beaucoup plus simple, et tu n’aurais pas besoin de gaspiller tes forces à tout détruire, et après tu pourrais retourner dans le monde sous-terrain et y vivre tranquille.

_ Expliquer ? Vous seriez capables de comprendre, vous, les humains ?

_ Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres !

D’accord. Alors, répète à tous les Koïlatch, à tous les Ouvaga, à tous les autres humains, ceci : le sang humain est mauvais pour le sol, cessez donc de vous entretuer ! N’exploitez plus le sol sans lui laisser le temps de se reposer ! Ne détruisez pas ce qui a mis tant d’années à se construire ! C’est la seule condition pour que je rentre sous terre.

_ Tu as raison… Je leur dirai, mais m’écouteront-ils ?

_ Prends cette dent, et parle en mon nom. »

Kratavkyiesl tendit une de ses dents à Tsounliekhkla, courut vers la plaine et disparut sous terre.

La petite fille retourna dans la Taïga, raconta son aventure à la sorcière, qui la raconta à tous les autres Koïlatch. Ceux-ci promirent de faire ce que voulait Kratavkyiesl, firent la fête en l’honneur de Tsounliekhkla , mais n’osèrent pas encore quitter la Forêt : il restait encore deux monstres…

Cependant, Tsounliekhkla, pas le moins du monde apeurée, s’aventura une fois de plus dans la plaine. Bientôt, une boule de feu déboula et s’arrêta devant elle : c’était un monstre, le dos hérissé de pics enflammés, les yeux dorés, les dents acérées, une langue terminées par sept crochets.

« Qui es-tu ? lança Tsounliekhkla, et pourquoi t’amuses-tu à tout détruire et à faire peur à tout le monde ? Et  pourquoi s’en prendre aux Koïlatch plus qu’aux autres ?

 

Je suis Tchtarkamyiesl, répondit le monstre, surpris. Personne avant Tsounliekhkla n’avait jamais osé lui adresser la parole. Habituellement, je vis dans le monde sous-terrain, là où il fait le plus chaud, et chaque feu allumé me nourrit. Le couloir le plus direct de puis le point chaud de la terre aboutit au territoire Koïlatch, tout simplement. C’est donc par là que j’ai décidé de commencer. Car voilà : depuis quelques temps, je suis horrifié par la nourriture que l’on me donne.

Explique-moi, demanda Tsouliekhkla.

On me donne à manger ce qui peut encore vivre, on m’a même nourri d’un aliment kichouk[1] : je déteste la chair humaine ! Alors, répète ceci à tous tes semblables, Koïlatch, Ouvaga, et autres humains : la seule condition pour que je reste sous terre, c’est qu’on me nourrisse de ce qui ne peut plus vivre : de bois mort, de carcasses, … Et de cailloux, j’adore les cailloux.

_ Tu as raison… Je leur dirai, mais m’écouteront-ils ?

_ Prends ce pic (il ne te brûlera pas), et parle en mon nom. »

Tchtarkamyiesl tendit un de ses pics à Tsounliekhkla, courut vers la plaine et disparut sous terre.

La petite fille retourna dans la Taïga, raconta son aventure à la sorcière, qui la raconta à tous les autres Koïlatch. Ceux-ci promirent de faire ce que voulait Tchtarkamyiesl, firent la fête en l’honneur de Tsounliekhkla , mais n’osèrent pas encore quitter la Forêt : il restait encore un monstre…

Toutefois, Tsouliekhkla s’aventura dans la plaine, près du fleuve. Et très vite, un immense cheval bleu, sans jambes, mais avec trois queues de poissons, une crinière verte, des dents acérées, une langue finie par sept crochets et de grandes ailes blanches, vertes et violettes, fit irruption devant elle.

« Qui es-tu ? lança Tsounliekhkla, et pourquoi fais-tu tout cela ?

Je m’appelle Zraltatchvyiesl, répondit le monstre, surpris. Personne avant Tsounliekhkla n’avait jamais osé lui adresser la parole. Habituellement, je ne quitte pas mon domaine, qui est tout au fond de l’eau. Mais là, je ne peux y rester. Vous, les humains, ne respectez pas le Fleuve.

Bien sûr que si !

Non : vous y jetez ce que vous avez utilisé, vous y lancez des cordes, des troncs, vous en prenez toutes les ressources, sans vous préoccuper des conséquences. Le Fleuve est épuisé, et c’est ainsi que j’ai décidé de monter à la surface.

Tous ne sont pas comme ça, et nous, les Koïlatch, ne sommes pas pires que les autres.

C’est vrai, mais le chemin le plus court vers la surface est sur le territoire Koïlatch. C’est donc par là que j’ai décidé de commencer ma vengeance.

Mais que pouvons-nous faire ?

Donnez à Tchtarkamyiesl ce que vous avez utilisé, écoutez Kratavkyiesl et ne coupez que ce qui sera utile, et surtout respectez le Fleuve et ce qu’il y a dedans. C’est la seule condition pour que je regagne le fond du Fleuve.

_ Tu as raison… Je leur dirai, mais m’écouteront-ils ?

_ Prends ce crin, et parle en mon nom. »

Zraltatchvyiesl tendit un de ses crins à Tsounliekhkla, courut vers le Fleuve, et disparut dans l’eau.

La petite fille retourna dans la Taïga, raconta son aventure à la sorcière, qui la raconta à tous les autres Koïlatch. Ceux-ci promirent de faire ce que voulait Zraltatchvyiesl, et firent la fête en l’honneur de Tsounliekhkla. Les trois monstres avaient regagné leurs demeures. Tsouliekhkla avait réussi. Sans arme, sans sort : juste en leur parlant, et surtout en écoutant et répétant leurs messages. Et depuis, tous s’efforcent de respecter la promesse faite à Kratavkyiesl, Tchtarkamyiesl et Zraltatchvyiesl… et à Tsouliekhkla !

 


 

[1] Kichouk = interdit(e) à la consommation : la viande humaine et la viande d’ours sont les deux aliments interdits par excellence.

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