Nlouktcho

Il était une fois un jeune sommet de montagne, qui s’appelait Nlouktcho. Il avait une tête et un buste humains, mais tout le reste de son corps était minéral. Le plus grand rêve de Nlouktcho était de se détacher et de voir en vrai ce qu’il y avait en bas, dans la vallée sous les nuages, toutes ces merveilleuses choses que lui montraient en images magiques ses deux amies, Vuvlaatyi et Vavluatyi. Ces deux dernières étaient des meïkorovtchi, d’immenses femmes-oiseaux qui protégeaient les roches au dessus des nuages, en dévorant les humains qui se seraient risqués au-dessus des nuages. Vavluatyi et Vuvlaatyi survolaient la vallée la journée, et racontaient le soir à Nlouktcho ce qu’elles avaient vu.

Mais un jour que Vuvlaatyi était descendue trop bas, des gens de la vallée avaient pris peur et l’avaient blessée à l’aile. La pauvre meïkorovtcha tomba entre les roches, au pied de la montagne. Heureusement,  Hekhklyi, une jeune sorcière très belle et mystérieuse, aux grands yeux de chat, la recueillit. Pendant un mois, elle la soigna et gagna sa confiance. La jeune fille et Vuvlaatyi passaient de longues heures à parler, à faire de la magie, à rire, et Vuvlaatyi put bientôt voler à nouveau. Comme Hekhklyi lui demandait de lui montrer où elle habitait, la meïkorovtcha lui mit devant les yeux l’image de Nlouktcho. La sorcière tomba aussitôt amoureuse de cette belle petite frimousse, elle voulut accompagner la femme-oiseau au-dessus des nuages, mais c’était impossible : Vavluatyi et Vuvlaatui risqueraient de la manger par inadvertance… Il fallait que Nlouktcho vienne dans la vallée, elle le rendrait humain grâce à ses potions. Vuvlaatyi lui promit, pour la remercier de son attention, de rendre Nlouktcho amoureux d’elle, et s’envola.

De retour au sommet de la montagne, la meïkorovtcha raconta à Nlouktcho tout ce qui s’était passé et lui montra l’image de Hekhklyi. Dès qu’il la vit, Nlouktcho tomba amoureux d’elle. Quelque chose d’étrange s’était emparé de lui, il voulait se détacher, devenir humain, avoir des jambes pour courir vers elle, avoir des bras pour la serrer contre lui… Mais comment faire ?

La nuit, il rêva que Hekhklyi était montée jusqu’au-dessus des nuages ; elle lui façonnait des bras et des jambes avec de la poussière d’étoile, les lui donnait en soufflant dessus, et lui disait de la rejoindre dans la vallée porté par la meïkorovtcha qu’elle avait sauvée.

Le lendemain matin, surprise ! Ce n’était pas qu’un rêve, Nlouktcho avait des bras, des jambes, il les sentait, il pouvait les bouger. Il se dégagea des rochers, se hissa, tout heureux, et appela Vuvlaatyi. Il touchait ses joues avec ses toutes nouvelles mains, agitait ses bras, ses jambes, ses pieds… Mais Vavluatyi survint, elle vit en lui un humain, et fonça sur lui pour le dévorer ! Heureusement, Vuvlaatyi surgit à temps et emporta Nlouktcho sur ses grandes ailes, traversa les nuages, et le posa délicatement dans la vallée.  Là, il put enfin essayer ses jambes : il se mit à marcher, à courir, c’était si facile, et si bon ! Hekhklyi l’attendait là, souriante. Il la rejoignit et la serra dans ses bras. Hekhklyi et Nlouktcho ne se quittèrent plus jamais, et vécurent heureux dans la vallée qui porte aujourd’hui le nom de « vallée de Hekhklyi ». Quant aux meïkorovtchi, elles veillent toujours sur le sommet de la montagne qu’on appelle maintenant « mont de Nlouktcho ».