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Les Contes d'ETK Onilatki
30 décembre 2007

Tumlissan et Ftlitchak

Il était une fois une petite fille de douze ans qui s’appelait Tumlissan. Personne ne savait d’où elle venait. Elle était arrivée un jour, après une tempête de neige, et les gens du village l’avait accueillie. Elle habitait dans la iourte des chefs, Tchinaï et Luruk, en compagnie de leur fils Kaïtchlak et de leurs filles Liorakno et Tvelia. Cependant, Tumlissan n’était pas très aimée dans le village. Certains disaient qu’elle apportait le malheur, pour d’autres, elle n’était pas humaine, enfin, quelques uns se moquaient de cette fillette étourdie et solitaire. Personne n’osait lui parler, à part Tchinaï, Luruk et Tvelia. On faisait comme si elle n’était pas là, on la bousculait, on la craignait un peu.

Un jour, Tumlissan, qui était partie se promener seule dans la steppe, ne rentra pas au village. Les chefs voulurent la rechercher, mais les autres refusèrent : bon débarras ! Ne pouvant s’opposer à la foule, les chefs durent abandonner à contre-cœur. Mais la petite Tvelia décida de retrouver son amie. Elle partit en douce à la recherche de Tumlissan.

Elle avait contourné les collines, et perdu de vue le village. La nuit tombait, il faisait froid, et elle n’avait toujours pas retrouvé Tumlissan. Tvelia commençait à avoir peur. Mais alors que des gouttes perlaient au bord de ses yeux, elle entendit une voix grave et apaisante.

« Ne crains rien pour Tumlissan, elle va très bien. Rentre chez toi, et tu la reverras dans deux jours. »

Tvelia obéit.

Deux jours après devait se tenir la Vaduvsilakno, une grande fête en l’honneur des chevaux, emblèmes du clan Vaduvarek. Or, l’un des moments les plus attendus de cette fête était l’immense course de chevaux, qui chaque année voyait la victoire de Kaïtchlak ou de Liorakno. Tout le monde se préparait pour la course. On soignait les chevaux, on préparait les harnachements, les cavaliers se jaugeaient… Et soudain, un éclat de rire se répandit parmi les concurrents et les spectateurs. Tumlissan s’avançait, accompagnée d’une cheval sans aucun harnachement, et tous deux se dirigèrent vers l’arbitre de la course.

« Tumlissan, sœur de Ftlitchak, déclara Tumlissan d’une voix ferme.

Ftlitchak, frère de Tumlissan, compléta le cheval. »

Tvelia reconnut la voix grave et apaisante qu’elle avait entendue deux jours auparavant.

« Pas d’harnachement pour ton cheval, petite ? se moqua l’arbitre.

Non, aucun harnachement sur moi, reprit le cheval.

Bien. Prend donc une place parmi les autres. »

Tumlissan et Ftlitchak se mirent entre Liorakno et Kaïtchlak, qui les contemplèrent avec un sourire méprisant.

« Tu vas tomber… ricana Liorakno.

Tu n’as qu’une chance… finir dernière ! ajouta Kaïtchlak. »

Sans aucune considération pour ce qu’elle venait d’entendre, Tumlissan blottit sa tête sous celle de Ftlitchak. Quelques instants plus tard, l’arbitre prévint tous les concurrents : la course était sur le point de commencer. Le hurlement strident indiquant le départ retentit, et tous se précipitèrent dans un nuage de terre et d’herbe.

Quant à Tumlissan, elle n’était pas encore partie. La foule rigolait, mais elle n’en avait que faire. Elle s’éloigna pour se retrouver juste derrière Ftlitchak, qui fléchit légèrement ses membres postérieurs, puis enfin elle courut, sauta à califourchon sur le dos du cheval, qui s’élança tel une flèche.

Un moment passa. Bientôt les premiers concurrents débouleraient de derrière les collines, et on assisterait encore au sacre de Liorakno ou de Kaïtchlak. Mais une clameur de surprise retentit lorsqu’on vit arriver le vainqueur de la course. Ce n’était ni Kaïtchlak, ni Liorakno, ni même l’un ou l’une de ceux qui s’étaient élancés en même temps qu’eux. Non. Le cheval n’était pas harnaché, et le cavalier était debout sur son dos. Ftlitchak franchit la ligne d’arrivée, Tumlissan debout sur son dos, fière et triomphante. Celle que personne n’attendait, celle dont tout le monde s’était moqué, qui était considérée avec mépris ou condescendance, la petite Tumlissan avait gagné. Elle avait gagné bien plus que la course de la Vaduvsilakno : elle avait gagné le respect. Ses yeux pétillants balayaient la foule enthousiaste, et lisaient ce respect sur le visage de chaque spectateur. Les autres concurrents arrivèrent longtemps après. Tous racontèrent comment une flèche beige et verte les avait tous dépassés ; ils félicitèrent Tumlissan et Ftlitchak. Quand à Liorakno et Kaïtchlak, ils boudèrent un petit moment, avant de se joindre à la foule pour acclamer.

Le lendemain, Tvelia alla trouver Tumlissan. Celle-ci était en compagnie de Ftlitchak. La fillette leur demandèrent de venir au centre du village pour recevoir la récompense. Le cheval et sa cavalière la suivirent.

La foule était assise en cercle. Liorakno et Kaïtchlak, enthousiastes, battaient des mains. Luruk et Tchinaï annoncèrent le nom des vainqueurs, et Tvelia amena Tumlissan et Ftlitchak au centre du cercle.

« Reçois ta récompense, Tumlissan.

Ma récompense, je l’ai déjà reçue, quand j’ai lu dans vos yeux à tous le respect qui revient à chacun. Vous avez pu vous demander qui j’étais, d’où je venais, et ce que je faisais parmi vous. Eh bien voilà : Ftlitchak et moi sommes les enfants de Tchouravka et Tuhuîka, les premiers Vaduvarek[1]. »

Un murmure parcourut la foule. Tumlissan reprit :

« Zlaa[2] et Limézinaï[3] se sont disputées, et de leurs éclairs ont jailli des étincelles qui ont percuté l’emblème de la Tour aux Esprits[4]. Un mauvais Tongoï nous y avait emprisonnés la veille d’une Vaduvsilakno. Je suis sortie en premier de cet emblème, puis Ftlitchak a pu se libérer. Le Vent nous a donné son souffle. Nous allons aussi vite que lui. Et enfin, nous avons pu participé à la fête, nous avons pu courir, et nous avons gagné.

Et nous avons gagné bien plus qu’une course, ajouta Ftlitchak. Grâce à vous. »

La foule les acclama. Tvelia présenta le collier en bois et en os qui devait être la récompense du vainqueur de la grande course, et le mit autour du cou de Tumlissan. Le Soleil vint faire briller le pendentif du collier. C’était un collier, disait-on, fabriqué par Tchouravka et Tuhuïka. On y voyait une fillette debout sur un cheval…

 


 

[1] Tchouravka et Tuhuïka étaient deux des trente-deux statuettes façonnées par Ouvvalyiga, la mère de tous les Ouvaga. Animés par le Soleil, ils fondèrent le clan des Vaduvarek.

[2] La Lumière qui est dans le ciel.

[3] La Lumière qui est sous-terre, la lumière magique, étrange et mystérieuse.

[4] Dans chaque village ou campement Ouvaga se trouvait une Tour aux Esprits, de hauteur variable, qui servait de lien entre les mondes. Ces tours étaient érigés par le ou la Tongoï (sorte de chaman).

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