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Les Contes d'ETK Onilatki
8 février 2008

Cendrillon

Il était une fois une jeune femme étrange, qui habitait à la lisière de la Forêt. Elle connaissait les pouvoirs des arbres, les secrets des plantes, le langage des animaux, et les sentiments des nuages. On venait toujours écouter ses conseils, se faire soigner par ses remèdes, ou trouver tout simplement de quoi manger et un endroit où dormir. Ses yeux, verts mouchetés de brun, ne laissait personne indifférent : on les enviait, on les craignait, on les admirait… Un jeune homme des alentours tomba sous leur charme, et bientôt après on annonça un mariage qui fit grand bruit : un noble épousait une fille de la Forêt ! Et le bruit ne cessa guère après la naissance de leur fille : la petite n’avait pas les deux yeux de la même couleur ! L’un était marron comme les yeux de son père, l’autre était vert moucheté comme ceux de sa mère.

La fillette grandit. Sa mère lui enseigna le monde de la Forêt, son père lui apprit à monter à cheval. Divers précepteurs lui apprirent à lire, écrire, compter, d’autres lui enseignèrent l’histoire, les sciences et la géographie. Elle aimait traîner dans les cuisines ou dans les salles de couture, et apprit ainsi à cuisiner et à coudre. Enfin, elle adorait chanter, danser et jouer de la musique, et la demeure ne devenait calme que lorsque la fillette s’endormait. Elle était gentille avec tout le monde, et tout le monde était gentil avec elle…

Mais malheureusement, un jour qu’elle revenait de la Forêt avec sa mère, des cavaliers armés jusqu’aux dents surgirent de nulle part, les encerclèrent, et tuèrent la fille de la Forêt, au cri de « à mort la sorcière ! », mais ne purent atteindre la fillette, protégée par un épais brouillard soudain. Ils s’en furent aussi vite qu’ils étaient venus, le brouillard se dissipa, et la petite fille s’approcha de sa mère. Pas le temps d’aller chercher la plante adéquate dans la Forêt. La blessure était bien trop profonde et bien trop béante pour être soignée… Le jeune homme, ne voyant ni sa femme ni leur enfant revenir, était parti à leur rencontre, et se précipita vers elles. Alors, la fille de la Forêt prit la main de son enfant et la main de son mari et leur parla ainsi : « Toi, mon mari, tu attendras dix ans, puis tu te remarieras. Et toi, ma fille, garde l’espoir de me venger un jour, mais ne deviens pas méchante. Essaie de bien t’entendre avec celle qui deviendra ta belle-mère, et avec ses enfants si elle en a, mais surtout ne te laisse pas faire si on s’en prend à toi. Ne laisse personne se moquer de toi ou te faire du mal. » Elle les embrassa, et son dernier souffle s’envola.

Dix ans après, la petite avait bien grandi et avait désormais vingt ans. Il était temps pour son père de se remarier. Une femme hautaine, noble et veuve, accompagnée de ses deux filles tout aussi hautaines, fit bientôt son entrée dans la demeure, et peu après on annonça le mariage. Dès le départ, malgré les sourires de façade, les deux désormais belles-sœurs de la jeune fille la méprisèrent, et se moquèrent de ses yeux verrons. Cette tendance s’affirma après le mariage. Et tout empira bien vite : la fortune s’amenuisant, tout le personnel fut renvoyé au bout de deux mois ; la jeune fille fut attachée au ménage, et son père se retrouva mêlé à des louches affaires d’argent. On vint un jour le chercher pour le jeter en prison. La jeune fille resta seule avec sa belle-mère et ses deux belles-sœurs.

A plusieurs reprises, la jeune fille s’était battue avec ses deux belles-sœurs, et sa belle-mère n’avait pas manquée de la punir. Pour éviter que cela ne se reproduise, elle se rendit de nuit dans la Forêt, et trouva des plantes très particulières. Elle concocta un poison, le but, et se retrouva couverte d’étranges verrues, qui repoussèrent aussitôt ses trois ennemies. Comme ça, elle était tranquille. Mais les effets du poison n’étaient pas éternels, et les verrues disparurent au bout d’un mois. Impossible de reprendre cette plante avant quelques temps, ça aurait pu la tuer. Alors, la rusée jeune fille eut l’idée d’élire domicile dans la cheminée. Toute vêtue de gris, cheveux détachés, couverte de cendres, personne n’osait plus la toucher de peur de se salir. Les trois femmes, qui lui avaient donné le surnom de Cendrillon, lui donnaient leurs ordres de loin, le regard méprisant, la voix condescendante :

« Range donc nos chambres !

Vous êtes manchotes pour ne pas pouvoir le faire vous-mêmes ?

Nettoie le parquet !

Dans ce cas, éloignez-vous, car votre saleté inhérente se répand inexorablement sur ce pauvre parquet…

Cuisine-nous donc notre repas !

Vous ne craignez donc pas d’être empoisonnée par le fille de la sorcière, sorcière elle-même ? »

La jeune fille ne se laissait pas faire, et, grâce à ses amis les animaux qui l’aidaient aux tâches ménagères, elle trouvait toujours du temps pour se rendre dans la Forêt, sur la tombe de sa mère ou à la prison où était son père.

Un jour qu’elle chevauchait dans la Forêt, elle fut attirée par des cris. Elle dirigea son fidèle cheval vers les cris, et trouva un jeune homme assailli par des cavaliers armés. Le souvenir de sa mère assassinée par ces mêmes cavaliers revint brutalement dans les yeux de Cendrillon. Ce jeune homme allait-il connaître le même sort ? Cendrillon rejeta sa tête en arrière, et appela :

« Vous, mes frères de la Forêt, venez-moi en aide ! Si ces cavaliers sont les mêmes que ceux de l’autre fois, vengez votre sœur assassinée ! ». Aussitôt, une meute de loups aux dents acérées, de cerfs aux bois pointus, d’ours aux longues griffes et de bisons aux cornes féroces surgirent d’entre les arbres et fondirent en horde sur les cavaliers. Cendrillon demanda à son cheval de s’approcher du jeune homme assailli pour s’assurer qu’il allait bien, puis s’éloigna. Mais le jeune homme avait vu son regard, il avait vu cette tête ébouriffée, ces yeux verrons, ce sourire légèrement carnassier. Qui pouvait bien être cette jeune fille ?

Une semaine après, une lettre mit la demeure sens dessus-dessous : un bal était organisé au palais royal : trois soirs de suite, tous les jeunes gens du royaume étaient conviés à danser ; durant ce grand bal, le prince choisirait sa princesse. Les deux belles-sœurs de Cendrillon rivalisèrent d’artifices pour être la plus belle. Elles avaient commandé deux très belles robes, mais elles étaient légèrement trop amples pour elles.

« Ajuste donc nos belles robes, Cendrillon, mais lave-toi avant de poser des mains sales sur le tissus ! »

Cendrillon, l’aiguille à la main, ajusta les robes, répondant aux insultes et moqueries par de légères piqûres.

« Tu n’as pas envie de venir avec nous au bal, Cendrillon ?

Il est vrai que tu n’as rien à te mettre ! 

Et de toute manière, qui danserait avec une fille aux yeux différents ?»

Les deux sœurs éclatèrent de rire, et se préparèrent pour le premier soir.

Cendrillon avait tout fini, et monta au grenier. Les souris, les oiseaux et les écureuils, sans lui dire, lui avaient confectionné une robe magnifique. Ravie, elle se dit pourtant qu’il était plus prudent d’attendre le départ de ses ennemies avant de s’habiller. Bien lui en prit, car sa belle-mère l’appela :

« Cendrillon ! Viens donc ici : pour ne pas perdre ton temps pendant que nous serons absente, tu vas me trier ces grains : les lentilles, les poids et le blé sont mélangés. Je veux trois écuelles différentes à notre retour… si toutefois tu as fini ! »

Les trois femmes attendirent leur carrosse, puis s’éloignèrent. Cendrillon appela les insectes, et leur demanda de l’aide. Puis elle se vêtit, trouva son cheval et se rendit au palais. Lorsqu’elle arriva, tous les regards se posèrent sur elle. Le prince, qui boudait dans un coin, releva la tête en reconnaissant ses yeux : c’était celle qui l’avait sauvé dans le Forêt… Il alla la trouver, et dansa avec elle toute la soirée. Puis Cendrillon rentra chez elle avant ses trois ennemies. Elle remercia tous ses amis animaux, et s’endormit dans la cendre de la cheminée.

Le lendemain, les deux sœurs, jalouses de cette inconnue qui avait dansé avec le prince toute la soirée, voulurent que leurs robes soient encore plus belles. Elles demandèrent donc à Cendrillon d’ajouter des décorations à leurs robes. Elles ne manquèrent pas de l’insulter, et elle ne se retint pas de les piquer. Comment avaient-elles pu ne pas la reconnaître ? Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. Et la nouvelle tâche imposée par sa belle-mère n’effaça pas ce sourire. Elle devrait trier sept céréales différentes et les entreposer dans sept pots. Là encore, les animaux virent l’aider, et Cendrillon monta au grenier. Mais le chat et le chien s’étaient disputés, et la robe avait été déchirée. Que faire ? Dans la Forêt, les lapins et les biches étaient allés chercher des feuilles, des herbes et des fleurs, et les avaient confiées aux oiseaux, qui virent les déposer dans le grenier. Cendrillon claqua des doigts, et la robe fut raccommodée et ornée de ces nouveaux éléments. Puis elle se rendit au palais, trouva le prince (qui avait refusé de danser avec un autre qu’elle), et passa toute la soirée avec lui, avant de rentrer à temps.

Cependant, quelqu’un au palais ne voyait pas d’un très bon œil l’amour du prince pour cette inconnue. Elle ressemblait tellement à la fille de la Forêt qu’il avait fait éliminer dix ans auparavant… Et si le prince tombait sous le charme de cette fille ? Si elle était cette fillette qui avait assisté à la scène ? Si elle aussi était une sorcière ? Si c’était elle qui avait empêché l’élimination du prince ? Si elle ensorcelait le prince et si elle l’épousait ? Cela voudrait dire qu’il ne s’emparerait pas du trône, comme il l’espérait… Cette sorcière avait déjà contrecarré ses plans en soignant le petit prince il y a dix ans, et voilà que la fille de la sorcière se mettait elle aussi à s’opposer à lui ? Il fallait agir vite. Aussi fit-il suivre l’inconnue. Toute la journée du lendemain, des hommes surveillèrent la demeure. Lorsque la belle-mère de Cendrillon sortit pour se rendre au palais avec ses deux filles, ils firent irruption dans la maison, et s’emparèrent de la jeune fille. Ils la neutralisèrent afin qu’elle ne puisse rien faire, et l’emportèrent à la prison. Que faire ? Cendrillon était enfermée, impuissante… Elle appela à nouveau la Forêt à l’aide. Alors, les arbres les plus proches s’ébrouèrent, et leurs longues et puissantes racines firent trembler la prison, percèrent le sol de la cellule de Cendrillon, et la plus fine des racines l’enlaça et la tira vers l’extérieur. Il n’était malheureusement plus temps de retourner à la demeure pour se vêtir, et elle ne pouvait se rendre au palais vêtue de haillons…

C’est alors que le fantôme de sa mère lui vint en aide.

« Tu m’as vengée des cavaliers, mais pas de leur commanditaire, qui est encore au palais. Tu dois aller là-bas, sauver le prince, et achever ta vengeance. Trouve-moi une citrouille, et rassemble les quelques animaux que tu trouveras.»

Cendrillon trouva une citrouille sauvage, et quelques souris. Bien vite, sa mère frappa dans ses mains et en fit un magnifique carrosse conduit par un cocher, deux chevaux, un portier et un laquais. Elle frappa une nouvelle fois dans ses mains, et Cendrillon se retrouva vêtue de la robe la plus somptueuse qu’on ait jamais vue.

« Fais bien attention : ce charme se rompra à minuit. Tu devras fuir avant le douzième coup. Bonne chance ! ».

Elle embrassa sa fille et disparut. Cendrillon prit place dans le carrosse, et fila vers le palais.

Le prince, désespéré, attendait à l’entrée, et se précipita vers elle lorsqu’elle arriva. Ils dansèrent, tourbillonnèrent, et s’embrassaient quand tout-à-coup minuit sonna. Cendrillon se précipita dans les marches, mais malheureusement sa course fut interrompue par l’homme qui avait commandité le meurtre de sa mère. Il avait déjà dégainée son épée pour la tuer, et le septième coup résonnait… Cendrillon se saisit d’une de ses chaussures, la transforma en arme, et frappa l’homme en pleine poitrine. Elle avait su au moment où elle l’avait vu barrer son chemin qui il était. Elle avait enfin vengé sa mère… Onzième coup ! Pas le temps de remettre sa chaussure. Elle courut, se cacha, et attendit. Tandis qu’on accourait vers le corps du meurtrier, le prince ramassa la chaussure. Cendrillon souffla un mot, et la chaussure devint si petite qu’on aurait dit une chaussure de poupée. Le bal prenait fin. Le prince devait annoncer son choix. Comme il ne connaissait pas le nom de Cendrillon, il déclara : « j’épouserai celle qui pourra chausser cette pantoufle ».

Le lendemain, alors que le roi et la rein découvraient, effarés, toutes les manœuvres et les mauvais coups de leur conseiller, le prince parcourait le royaume, à la recherche de l’inconnue. Il arriva chez Cendrillon.

« Il y a chez vous une jeune fille que je voudrais voir, dit-il à la belle-mère.

Mais bien sûr, altesse, entrez donc ! fit cette dernière. La voici. »

L’aînée des deux filles s’avança, s’empara de la pantoufle et tenta de l’enfiler… en vain. Elle partit bouder, comme toutes les autres. La cadette s’avança alors, et tenta à son tour d’enfiler la pantoufle… en vain. De toute manière, le prince savait que ni l’une ni l’autre n’était celle qu’il cherchait. Il fallait trouver la fille aux yeux verrons… C’est alors qu’il aperçut, dans l’angle de la porte, une jeune fille aux cheveux ébouriffés. Le feu de la cheminée faisaient refléter les lumières cuivrées et dorées de ses cheveux, et ses yeux luisaient. Elle s’avança, prit la pantoufle, murmura quelques mots au moment où elle la chaussait, et la pantoufle sur mesure s’accorda parfaitement à son pied. Cendrillon sortit de sa poche la deuxième pantoufle, seul objet qui n’avait pas disparu, et la chaussa également. Le prince avait trouvé sa princesse.

Cendrillon posa une condition pour le mariage : son père devait être libéré. Le prince accepta aussitôt.

La fête fut magnifique. Tout le royaume, animaux comme humains, furent conviés. Quant à la belle-mère de Cendrillon et ses deux filles, elles finirent comme femmes de chambre au palais. Les nuages entouraient les tours du palais, et se dissipèrent à minuit. On vit alors la fille de la Forêt porter chance à sa fille et à son beau-fils…

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